Bal de gilets jaunes à l’aérodrome de Salon-Eyguières

Avez-vous lu « La Provence » du samedi 16 mars ?

Dans son édition de Salon, le quotidien régional faisait état d’un « coup de tonnerre » sur l’aérodrome de Salon-Eyguières.

Et croyez-nous, ce choix des mots n’était pas exagéré !

Sur place, les utilisateurs présents au petit matin de vendredi constateront l’arrivée d’une colonne de véhicules « officiels » dont descendront, tour à tour, trois commissaires de justice, plusieurs policiers municipaux, accompagnés de leur lot de serruriers, électriciens et autres « sachants », en plus de Messieurs Signoret et André.

Objectif du jour : La mise en œuvre des dispositions d’une ordonnance de la Présidente du Tribunal Judiciaire de Tarascon, autorisant l’ouverture, aux fins d’inventaire, de l’ensemble des hangars de l’aérodrome, « de gré ou de force » comme précisé par l’un des huissiers instrumentaires présents.

Nous voilà face à une nouvelle opération « coup de poing » du Maire Pons !

Ceci posé, l’intérêt du propriétaire d’un aérodrome de connaître le détail des aéronefs qui y sont basés est à priori légitime. L’AUPASE, du temps où l’association gérait Salon-Eyguières, tenait également un registre des aéronefs présents qu’elle transmettait d’ailleurs régulièrement à la Direction de l’Aviation civile.

Ce qui pose problème à Eyguières, c’est le défaut de légitimité des concessionnaires SEMOP « SEZAME » et à fortiori « STEM AERO ».

Les rédacteurs de la requête litigieuse l’ont de toute évidence bien compris : Visiblement pour éviter toute discussion devant le Juge, ils mettront en avant la Commune en tant que demanderesse de la requête, avant de ne mentionner que subsidiairement la SEMOP. « STEM AERO », pourtant exploitant déclaré de l’aérodrome, ne figure carrément pas en tant que demanderesse. Sans commentaire !

Ceci pour la forme.

Concernant les arguments développés par la commune à l’appui de sa requête, rappelons la déclaration d’Audrey Touron à « La Provence » :

« Monsieur Pons a réussi à tromper la Justice. »

La conseillère municipale d’opposition a raison.

Ce qui saute en effet immédiatement aux yeux, c’est que l’ordonnance émane d’un Tribunal Judiciaire.

Or, s’agissant d’un différend concernant l’occupation du domaine public, seul le Tribunal Administratif n’était compétent pour en connaître.

On imagine d’ailleurs mal comment le Tribunal judiciaire de Tarascon a pu rendre cette ordonnance si ce n’est parce qu’il a été trompé sur le sujet par le maire d’Eyguières et ses conseils.

Pourtant, le Tribunal des conflits avait mis fin à toute confusion par une décision du 24 septembre 2001 qui a clairement affirmé la compétence exclusive de principe du juge administratif :

« Les litiges nés de l’occupation sans titre du domaine public, que celle-ci résulte de l’absence de tout titre d’occupation ou de l’expiration, pour quelque cause que ce soit, du titre précédemment détenu, relèvent des juridictions administratives, sous réserve des dispositions législatives spéciales et sauf dans les cas de voie de fait ou de contestation sérieuse en matière de propriété. »

Et la Cour de cassation, quant à elle, écarte désormais la compétence du juge judiciaire, hormis ces exceptions prédéfinies. Par une décision en date du 5 février 2002, elle signifie clairement que :

« Le contentieux domanial, qu’elle qu’en soit la nature, doit être confié, par principe, au juge administratif. »

En agissant de la sorte, la Cour de Cassation entérine la décision préalable du Tribunal des conflits et la compétence du juge administratif en la matière.

Puis, autre particularité, l’ordonnance de Tarascon désigne la police municipale pour assister les huissiers et leurs opérations, alors même que l’arrêté de police du 23.09.2023 détermine clairement la liste des forces de l’ordre habilités à intervenir sur l’aérodrome et que la Police municipale d’Eyguières n’y est nullement mentionnée.

Comment, Henri Pons a-t-il donc procédé pour convaincre la Présidente du Tribunal judiciaire de faire droit à sa demande ?

La réponse à cette question semble simple : Le maire d’Eyguières n’a pas hésité à lui faire servir les légendes, omissions intentionnelles et autres mensonges contre lesquelles ce blog se bat depuis près de six années.

Voyez vous-même :

D’une part, la Commune justifie sa requête par une « occupation sauvage des hangars », des « sous-locations illicites » et pour « permettre une expulsion des aéronefs sans droit ni titre ».

On croit rêver ! Le Maire Pons en vient ainsi à qualifier d’ « aéronefs sans droit ni titre » et à vouloir expulser les mêmes avions qu’il avait soumis à la taxe d’atterrissage depuis des années.

D’autre part, Henri Pons dédie un important verbiage à légitimer son montage juridique de la concession :

« Pendant deux ans, la préfecture va prendre le soin, dans le cadre du contrôle de légalité, de passer à la loupe tous les éléments du dossier : la procédure, la forme, le fond, les aspects, techniques, juridiques, administratifs et financiers. Au terme de cette longue procédure de contrôle de légalité et d’échanges avec la commune, après un avis favorable rendu par le tribunal administratif le 6 octobre 2023 sur saisine du préfet, ce dernier va, par un courrier du 29 novembre 2022 indiquer à la commune que, au regard de l’avis du Tribunal, la gestion et l’exploitation de la zone de karting et de celle de l’aérodrome pouvaient être confiées à la SEMOP créée à cet effet. Le contrat de concession pouvait donc désormais être signé. »

La vérité :

La Préfecture n’a pas fait de contrôle de légalité pendant deux ans comme allégué.

En réalité, et comme le courrier cité du mois de novembre 2022 le précise, le Sous-Préfet avait fait un recours gracieux auprès de la Commune au sujet du double objet social (Aérodrome + Karting) envisagé pour une SEMOP (« à opération unique »).

La Commune n’ayant pas modifié son projet initial, le Sous-Préfet avait alors demandé un avis au Président du Tribunal Administratif de Marseille qui n’a été rendu que deux ans plus tard et uniquement sur ce point.

Il ne s’agissait donc d’aucune manière d’une validation quelconque du contrat de concession.

Pour s’en convaincre, il suffira de se reporter au courrier du Préfet au Président de l’AUPASE du 27 mars 2023.

On peut y lire que :

« Je suis en mesure de vous indiquer que la concession n’a pas été, à ce jour, transmise au titre du contrôle de légalité… »

Christophe Mirmand, Préfet de Région

Par ailleurs, notons que dans la requête de la commune, l’AUPASE et son modeste hangar de 81 m² (qui ne représente que 0,65 % du parc global) sont cités 48 fois: Bien entendu, son Président et son Vice-Président sont nommément cités et font l’honneur de cet opus en tous points abusif.

L’action de défense des utilisateurs de la plateforme menée par l’AUPASE est épinglée à maintes reprises :

« L’attitude l’AUPASE est inacceptable et constitue aujourd’hui une entrave à l’exécution du contrat de concession dont bénéficie la SEMOP. »

« L’AUPASE, suivie par de nombreux occupants de l’aérodrome, s’oppose de manière dilatoire aux opérations de réhabilitation du site. »

« Outre ce qui précède, il faut également préciser que le maintien de l’AUPASE, sans droit ni titre sur la dépendance du domaine public aéroportuaire ainsi que les manœuvres de l’association pour essayer de bloquer le déploiement de la SEMOP, mettent le concessionnaire et exploitant du site dans l’impossibilité d’appliquer normalement le contrat de concession signé le 19 avril 2023.« 

« La présence de l’AUPASE sur le site de l’aérodrome et ses manœuvres exposées supra sont de nature à compromettre (…) le développement d’outils visant à proposer une offre pédagogique et ouverte au public afin de permettre aux habitants locaux et régionaux, ainsi qu’aux touristes, d’avoir un accès facilité et adapté pour découvrir les richesses de la filière aéronautique et activités de loisirs »

L’AUPASE empêche « d’assurer une démarche de communication et de concertation pour attirer sur la plateforme des entrepreneurs innovants et en phase avec les tendances d’évolution de la filière aviation légère »

Ainsi, par exemple, la présence de I’AUPASE sur le site et ses manœuvres exposées supra sont de nature à compromettre la réalisation de l’objectif assigné par l’article 9 du contrat de concession a la SEMOP SEZAME, notamment de « mettre en place des hangars à des tarifs compétitifs pour tous les usagers souhaitant poursuivre leur activité avec un maximum de continuité. »

Le cynisme à son paroxysme !

Ce n’est bien évidemment pas l’AUPASE qui empêche de faire « découvrir les richesses de la filière aéronautique et des activités de loisirs » ou notamment cette « mise en place de hangars à des tarifs compétitifs » !

Rappelons que la SEMOP ne dispose ni des financements ni des autorisations d’urbanisme pour construire les hangars initialement projetés. Et ne parlons même pas des permis de démolir que « RAMPA Réalisations » a été obligé de retirer suite à l’enquête publique et son « avis défavorable avec réserves » ! Laissons de côté aussi le fiasco évident du parc photovoltaïque de 17 hectares projeté initialement pour combler les déficits envisagés de la SEMOP !

Soulignons également que les tarifs subitement appliqués aux bâtiments privés existants ont été augmenté de 730 % depuis septembre et que le contrat de concession prévoit même une augmentation de 1 400 %.

De telles conditions n’ont rien de compétitif et rien de légal.

Un avocat de la Commune, présent sur l’aérodrome en cette matinée tumultueuse, le reconnaîtra d’ailleurs face à un groupe d’utilisateurs :

« La majoration des tarifs de 700 ou 800 %, c’est du grand n’importe quoi. Ces tarifs étaient prévus pour les hangars qui devaient être construits par la SEMOP et non pas pour les bâtiments actuels, construits par les utilisateurs. »

Reste le fait que par ce bal en gilets jaunes, la municipalité Pons tente de toute évidence de statuer un exemple sur l’AUPASE. En relisant la requête, on en découvre le concept :

« En adoptant cette posture, l’AUPASE empêche la commune de pouvoir user, comme elle souhaiterait le faire en toute connaissance de l’état des lieux, de la faculté que lui donne l’article 17 de la convention d’occupation temporaire du domaine public, de récupérer dans son patrimoine le hangar 307 avec l’ensemble de ses installations et aménagements. »

« Unus pro omnibus, omnes pro uno »

La réaction de l’AUPASE à cette déclaration d’intention est claire et peut se résumer en la devise apocryphe des trois mousquetaires d’Alexandre Dumas :

« Un pour tous, tous pour un ! »

En d’autres termes, l’association formule ici un avertissement clair :

L’AUPASE n’entend pas plus renoncer à son hangar que les propriétaires des autres hangars de la plate-forme !

La remise en cause des intérêts d’un des propriétaires de hangars entraînera l’introduction immédiate d’un référé suspension qui, s’il est accepté par le Tribunal Administratif, suspendra toute action de la SEMOP et de ses coreligionnaires jusqu’au jugement au fond des différents recours actuellement pendants par devant la juridiction marseillaise.

En guise de conclusion, ajoutons que François André, arrivé de ses Pyrénées orientales, profitera de l’occasion pour actionner son jouet favori : Vers 10h30, il publiera l’énième NOTAM de fermeture des installations pour le reste de cette journée ensoleillée, sans préavis et sans plus de précisions.

Avertie du nombre de « gilets jaunes » présents, la Gendarmerie de Salon de Provence, soupçonnant un retour tardif des mouvements sociaux de 2019, fera d’ailleurs une brève apparition sur l’aérodrome, sans pour autant s’immiscer dans les opérations en cours.

Sauf à être invalidé par la rétractation de l’ordonnance, l’inventaire établi vendredi pourra peut-être servir à mettre à jour celui établi en 2018 par la régie municipale avec laquelle le Maire Pons a brûlé en moins de six ans la coquette somme de près de 600.000 € d’argent du contribuable.

Pour le reste, les utilisateurs présents garderont l’impression d’une gesticulation vaine, destinée à confirmer les mots du maire à sa récente cérémonie des vœux, selon lesquels :

« Le projet de l’aérodrome suit son cours ! »