Vœux 2024 : Ce que Henri Pons n’a pas dit

Bref retour sur la cérémonie des vœux de ce mardi 16 janvier à Eyguières.

La communauté aéronautique locale était représentée par un petit nombre d’observateurs qui, à l’instar des soviétologues du temps de la guerre froide, se livreront à une analyse détaillée de ce qui sera dit et surtout de ce qui ne le sera pas.

Premier constat : Il est loisible d’estimer que la Police municipale d’Eyguières était présente au grand complet, tant en dehors du complexe sportif qu’à l’intérieur de la salle, et avec les « body-cams » allumées. Tous ces dispositifs de contrôle et de surveillance rappelaient d’ailleurs davantage les mœurs d’un pays du Caucase que la convention festive du Nouvel An du premier magistrat d’une commune française avec ses administrés, mais soit.

Concernant le projet SEMOP pour l’aérodrome, Henri Pons se limitera à deux maigres mentions dont nous ne souhaitons pas vous priver :

Tout d’abord, et dès la troisième minute de son allocution, le Maire d’Eyguières déclarera :

« Le projet de modernisation de l’aérodrome suit son cours, sûrement, avec une collaboration étroite de tous, tous, les services de l’État. »

Ces propos ont de quoi surprendre, si bien que « La Provence », ne manquera pas de ponctuer, dans un article du 18 janvier courant, « l’optimisme assumé du maire alors que ce projet qui agite la commune depuis 2018 et fait l’objet de nombreux recours semble dans l’impasse. »

Puis, 24 minutes plus tard, Henri Pons déclare que :

« L’État et ses deux préfets remarquables que sont Monsieur Mirmand et Monsieur Cassette, respectivement préfet de région et sous-préfet de l’arrondissement d’Aix-en-Provence, (…) nous accompagnent avec tous leurs services, tous leurs services, en parfait partenariat sur le projet de réhabilitation de l’aérodrome. Sur ce sujet, nous sommes très, très bien entourés. »

L’allégation n’est ni nouvelle ni convaincante et manque définitivement d’originalité.

Rappelons simplement qu’à la cérémonie des Pompiers d’Eyguières pour la Sainte Barbe de 2022, Henri Pons avait déjà clamé qu’il avait désormais « toutes les autorisations de l’État » pour son projet d’aérodrome.

Nous savons aujourd’hui qu’il n’en était rien.

Autre originalité, également notée par « La Provence », Henri Pons tiendra à répéter quatre fois au cours des 31 minutes qu’a duré son intervention que, depuis son premier mandat, il n’avait « jamais emprunté ».

Si nous ne contredirons pas Monsieur Pons sur ce point précis, il n’en demeure cependant pas moins que le propos ne reflète pas l’entière vérité :

Savez-vous qu’aux termes du « rapport d’analyse de l’offre finale » soumis dès le mois d’octobre 2020 à la commission des marchés publics du conseil municipal, Henri Pons prévoit la souscription, par la SEMOP qu’il préside, de crédits pour près de 11 millions et demi d’Euros ?

Et savez-vous que ces emprunts bancaires ( 9 388 000 € auprès du Crédit Agricole Alpes Provence et 2 112 000 € auprès de la Banque des Territoires) ne couvriront qu’environ 79 % des besoins de financement de la SEMOP ?

Notre avis :

Au même titre que le projet photovoltaïque abandonné par EDF-RE, le dossier du financement bancaire de la SEMOP risque bien de devenir un point de blocage majeur pour la poursuite du projet « aérodrome » cher à Monsieur Pons, d’autant plus que le Crédit Agricole a demandé à la Commune d’Eyguières des garanties pour ces crédits.

Il suffit en effet de lire les textes réglementaires pour comprendre que la Commune d’Eyguières ne pourra en aucun cas garantir ne serait-ce que les 9,3 millions d’Euros demandés au Crédit Agricole et ne parlons même pas du surplus de 2 millions d’Euros demandés à la Banque des Territoires.

Constituée sous la forme d’une société anonyme, la SEMOP est une « personne morale de droit privé ». Et, s’agissant de personnes privées, les garanties d’emprunt susceptibles d’être accordées par une collectivité territoriale sont tout naturellement encadrées par différentes règles prudentielles visant à en limiter les risques. On y trouve notamment le plafonnement par rapport aux recettes réelles de fonctionnement.

Il s’en suit qu’en application des dispositions du Code Général des Collectivités territoriales, une commune ne peut garantir des emprunts pour plus de 50% du montant total de ses recettes réelles de fonctionnement.

Or, selon le Journal du Net, ces recettes représentaient à Eyguières un montant de 7.900.000 € en l’année 2021.

Schématiquement, il est donc permis de supposer que la commune d’Eyguières ne pourra en aucun cas émettre des garanties pour plus de 3.900.000 €.

Difficile d’imaginer que le Crédit Agricole se satisfasse d’un tel montage.

De plus, la commune s’engageant, en cas de défaillance de la SEMOP, à payer à sa place les annuités du prêt, l’octroi de garanties d’emprunt doit donner lieu à une délibération du conseil municipal.

Et, aux termes d’une décision du Conseil d’État du 7 avril 2004, l’engagement doit en plus être précis : la délibération doit définir avec une précision suffisante l’objet, le montant et la durée de l’emprunt concerné ainsi que les conditions de mise en œuvre de la garantie.

L’engagement de la commune par une simple « décision du maire » prise sans concours de l’assemblée délibérante, n’est donc pas ouvert à Monsieur Pons.

Or, à ce jour, aucune délibération concernant l’octroi d’une garantie concernant les emprunts prévus pour le projet de l’aérodrome n’a été actée par le conseil municipal d’Eyguières.

Après les déclarations de Monsieur Pons concernant sa « gestion sans emprunts », il paraît en effet difficile d’imaginer qu’il se présente devant son conseil municipal pour quémander l’autorisation d’une caution solidaire pour cette SEMOP inéluctablement vouée à la faillite, d’autant plus qu’il continue à faire croire que « la commune ne versera aucune autre somme à la SEMOP que sa part en capital social ».

Autre point intéressant, il suffit de reprendre les termes du rapport d’analyse du 9 octobre 2020 pour comprendre que l‘hypothèse d’une défaillance de la SEMOP n’est pas une simple fantasmagorie. En page 15 du document, on peut en effet lire:

« En ce qui concerne la sûreté demandée par la banque Crédit Agricole Alpes Provence, la commune a précisé qu’elle souhaite d’abord que lui soient indiqués tous les scénarios possibles de risque de défaillance de la SEMOP envisageables. »

Et que :

« Pour chaque scénario, la commune souhaite que lui soient ensuite exposées toutes les solutions crédibles qu’elle aurait à sa disposition pour assurer un remboursement de l’emprunt sur la base des biens et des investissements qui ont été réalisés par la SEMOP défaillante … »

Alors même que le rapport évoque lapidairement que « le groupement a ensuite fourni les différents compléments et précisions demandés », il ne contient en réalité aucun éclaircissement quant aux explications prétendument récoltées par les services de Monsieur Pons.

Au vu de ce qui précède, on imagine aisément dans quelles conditions la commission des marchés publics du mois de novembre 2020 a pu donner son feu vert pour un tel montage !

Et, interrogé par Madame Audrey Touron le 19 décembre dernier au sujet des sûretés demandées en garantie par le Crédit Agricole, la réponse du Maire a été simple :

« Les sociétés n’ont aucune obligation de divulguer leurs stratégies ».

Fort bien, si ce n’était que dans le cas qui nous intéresse, il s’agit des finances d’une collectivité territoriale!

Et pour le contrôle de légalité d’une garantie bancaire de la commune pour la SEMOP, le concours des services préfectoraux vous sera acquis, soyez-en assuré, Monsieur le Maire!

Dossier à suivre sans modération !