Fantasia chez les Ploucs

27/08/2020

Dans le pays de Pagnol, lors des journées de forte chaleur, les gens se retrouvent après la sieste sous les ombrages et pour passer le temps, ils se racontent des histoires.

Celle que nous allons vous conter date de plusieurs mois.

Passée presque inaperçue, mais ne manquant pas de piment, elle est remontée à la surface pour la plus grande joie et le plus profitable exercice des zygomatiques des usagers de l’aérodrome.

L’histoire se passe pendant l’été 2019.

La société JetFly, installée au Luxembourg, qui exploite des avions Pilatus en multipropriété, appelle la régie par téléphone pour prendre quelques renseignements au sujet d’un vol envisagé vers Salon Eyguières afin d’amener plusieurs passagers notamment à Marseille pour un match de football.

La valse triste des NOTAM de fermeture des mois précédents justifiait sans doute la précaution d’un tel appel plutôt inhabituel à notre époque du tout numérique.

On imagine l’ébullition des services de la Régie à l’idée de voir arriver dans le ciel d’Eyguières un Pilatus PC 12 aux couleurs dorées de JetFly:

Les lubies du Maire Henri Pons et de son illustre conseiller aéronautique François André de voir s’établir un trafic commercial sur cet aérodrome de loisirs, deviendraient-elles enfin réalité ?

La suite, qui pourrait s’intituler « L’arrivée d’un Pilatus à Salon-Eyguières » , peut être qualifiée d’un non événement qui restera autant dans les mémoires que « L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat » fixée jadis dans un (très) court métrage éponyme par les frères Lumière.

Probablement, dans l’idée de fidéliser ce providentiel chaland venu du ciel, la Mairie décide aussitôt de dépêcher vers l’aérodrome un comité d’accueil digne de ce nom, composé de Monsieur Bernard BERGER et de Madame Marie-Laure CARREY soi-même, Directrice de la Régie, avec pour mission d’assurer un accueil adapté à l’équipage luxembourgeois et à ses passagers fortunés.

Sitôt après l’arrêt du moteur, nos deux agents municipaux amènent au pied de l’avion un plateau improvisé avec de l’eau minérale et des gobelets en plastique.

Sans doute emportés par l’importance de la mission, ils oublient d’endosser le gilet jaune avant de pénétrer sur le tarmac, foulant eux aussi aux pieds cette consigne essentielle, figurant parmi les fondements du règlement intérieur de la plume éguisée de Monsieur François André.

Il est à supposer que, comme la plupart des usagers, ils ne l’avaient pas signé.

On imagine la sidération poliment contenue des passagers fortunés qui viennent de siroter du champagne pendant leur vol et celle d’un équipage en tenue, habitués de plateformes comme Courchevel ou Baden-Baden, arrivant dans de telles conditions sur cet aérodrome dépourvu des commodités les plus élémentaires.

Heureusement le ridicule ne tue pas et comme l’écrit Thierry Vignini:

« N’ayons pas peur du ridicule, soyons-en le maître ! »

Les pilotes locaux, présents pour l’occasion, se gaussent discrètement et se frottent les yeux devant un tel décalage.

Pendant ce temps, on peut facilement imaginer le sentiment d’un agent de catégorie A de la fonction publique, habituellement en charge de décisions et d’arbitrages d’envergure, à en être réduit aux attributions d’hôtesse d’accueil au pied d’un avion de location, situation analogue à celle évoquée par Georges Brassens dans sa chanson « Marinette »:

« Avec mon p’tit plateau, j’avais l’air d’un c…. ma mère »  

Les syndicats du personnel communal auront sûrement apprécié un tel abus de pouvoir dans les rapports hiérarchiques d’une admnisitration territoriale.

Décidément, la Mairie d’Eyguières et sa Régie d’aérodrome ne manquent pas une occasion pour démontrer un décalage complet par rapport aux réalités de l’aviation civile.

Pendant ce temps, les problèmes courants de la Commune peuvent attendre.

  • Une fuite en toiture sur un bâtiment municipal ?
  • L’état de la route d’accès au gymnase défoncée ?

Certes et hélas oui, mais dans la vie, il faut fixer des priorités……

Comment, dans ce contexte, ne pas revenir à ce lamentable chapitre que sont les « taxes d’atterrissage des avions basés » ?

Encore une belle trouvaille du conseiller aéronautique fantôme, inventée pour combler sommairement le déficit chronique de l’exploitation en régie municipale d’un aérodrome de loisirs, sans pour autant déployer le personnel nécessaire au recouvrement d’une taxe équitable frappant tant les basés que les appareils de passage.

Ainsi, si le propriétaire d’un ULM de 475 kg de masse maximale autorisée est invité chaque année par le Trésor Public de Salon à verser à la Régie une taxe d’atterrissage forfaitaire, l’équipage commercial d’un Pilatus luxembourgeois de près de 5 tonnes de masse maximale au décollage (qui, de plus, dépasse largement la limitation du revêtement de la piste et des bandes de roulement), lui, ne l’est pas.

Mais ne soyons pas mesquins. Comment pourrait-on déranger de providentiels visiteurs en leur réclamant le paiement d’une taxe d’atterrissage même modeste si on s’en rapporte aux plusieurs milliers d’Euros qu’ils viennent tout juste de dépenser pour passer un week-end sous le soleil de la Provence ?

A l’Aéroport du Castellet, l’atterrissage (assistance obligatoire comprise) d’un appareil de pareil tonnage, sans compter tous les extras, aurait été facturé 245 €.

Henri Pons clame souvent et volontiers qu’

« il faut aller chercher l’argent là où il se trouve ».

Il ne devait pas être présent ce jour-là car il aurait probablement rappelé au personnel malmené de sa la régie ce proverbe bien connu:

Une fortune ne se constitue pas en dépensant !