Des chiffres et des dettes

18/11/2020

Après un exposé des recettes prévisionnelles au sujet desquelles nous avons émis une série de réserves dans nos précédents billets (restaurant, photovoltaïque, redevances et taxes payées par les usagers), le rapport de présentation de la SEMOP énumère dans un nouveau paragraphe intitulé « Analyse de répartition des bénéfices », les besoins financiers que la SEMOP aura dès son démarrage.

Les dettes

Les besoins initiaux de financement du projet sont évalués à 14,638 Millions d’Euros.

A titre de comparaison : Le budget annuel de fonctionnement de la Commune d’Eyguières s’élève à environ 7 Millions d’Euros …

Pour assurer les 79 % des besoins financiers annoncés dans les documents de la Mairie d’Eyguières,  il est prévu de recourir à des emprunts bancaires de 9,4 Millions d’Euros auprès du Crédit Agricole Alpes Provence et de 2,1 Millions d’Euros auprès de la Banque des Territoires.

Ainsi, avant même de générer un Euro de chiffre d’affaires, la commune d’Eyguières devra répondre de 11,5 Millions d’Euros d’emprunts bancaires (9.4+2.1), lesquels, de par la Loi, seraient exigibles en cas de difficultés ou de faillite de la SEMOP.

La gestation laborieuse du projet SEMOP pourrait s’apparenter à une partie de poker au cours de laquelle Monsieur Pons n’a pas dédaigné se livrer à l’usage du bluff, mais nous en arrivons bientôt au stade où il va lui falloir payer pour voir.

Mais ce n’est pas tout:

Les 21 % restants du budget, donc environ 3,14 Millions d’Euros, devront être trouvés pour boucler un prévisionnel déjà vascillant:

« Un complément devra être apporté, soit par des fonds propres, soit par des réserves issues des produits d’exploitation pendant la période de réalisation des travaux. »

Pour ce faire, les moyens à utiliser restent vagues, c’est pourquoi « on ratisse large »:

  • Fonds propres au titre du capital social à hauteur de 217.000 € dont 99.820 € à la charge de la commune.
  • Subventions publiques :

« Pour pouvoir réaliser le projet proposé, le candidat devra rechercher des organismes de subventions à hauteur de 2,5 Millions d’Euros, ou réduire ses investissements. »

  • Réserves issues des produits d’exploitation de la SEMOP pendant la durée des travaux pour un montant de 402.798 €.

…. avec quelques précautions malgré tout :

Conscients de la fragilité d’un tel édifice, les auteurs du projet se veulent à la fois rassurants et prudents et envisagent des scénarios qualifiés de « risque réel ».

Ainsi, en cas de chiffre d’affaires insuffisant pour pouvoir rembourser les mensualités de crédit, ils proposent:

« Soit de réduire ses charges pour les adapter au chiffre d’affaires généré, soit de renégocier la dette pour un étalement sur la durée du contrat ».

Face à une telle situation, les risques sont en effet bien réels :

Réduire les charges pour les adapter au chiffre d’affaire généré est une façon élégante de déclarer que le risque de voir l’affaire entrer en décadence n’est pas nul. Le mécanisme est bien connu, on « allège » en personnel, on réduit les frais d’entretien….etc.

Envisager de renégocier les termes du contrat d’emprunt avant même de l’avoir contracté est un signe évident d’un manque de confiance dans la solidité du projet. Le risque pour les banques s’en trouvera accru, à elles d’apprécier.

Les conséquences pour la commune

« Le souhait de la commune de limiter son apport en fonds propres conduit la SEMOP en sa qualité de délégataire à recourir à l’emprunt. »

« Les prêts seront remboursés par les recettes d’exploitation de l’aérodrome et de la zone dédiée aux sports mécaniques ».

« Les bénéfices serviront prioritairement à rembourser les emprunts précités ».

« Par conséquent, les bénéfices ne pourront être reversés aux actionnaires sous forme de dividendes qu’après remboursement des différents emprunts ».

Il conviendra de rappeler que le choix du partenariat public/privé pour gérer l’aérodrome et le Karting avait été justifié par Monsieur le Maire Henri Pons comme étant la meilleure opportunité d’apporter de nouveaux subsides à la commune.

Or, à la lecture des extraits du rapport ci-avant cités, on découvre que les bénéfices, lorsqu’il y en aura,  serviront en priorité à rembourser les emprunts et qu’ils ne seront éventuellement perçus qu’à la fin du remboursement, c’est-à-dire 25 ans après.

Pour illustrer le caractère aventureux d’un tel montage, nous nous sommes livrés à une simulation basée sur des hypothèses que nous avons voulues réalistes, parfois même  optimistes. Elles sont exposées ci-après:

  • Somme que devra payer mensuellement la SEMOP pour rembourser un prêt de 11.5 M€ à 1% d’intérêt sur 25 années: 46.600 € (Calcul classique d’un prêt amortissable à taux fixe).
  • Recettes d’exploitation de la SEMOP évaluées avec réalisme et exposées dans le tableau ci-après :

Ainsi, en l’état des hypothèses que nous venons d’exposer, la trésorerie courante de la SEMOP serait de 48.816 € (recettes prévisionnelles) – 46.600 € (charges de crédit) = 2.216 €

Un tel résultat est éloquent:

Avec un tel montant de recettes d’exploitation disponible et sitôt son début, la SEMOP se trouverait dans l’incapacité de payer son personnel, ses impôts et d’entretenir la plateforme.

Les actionnaires auraient à mettre la main à la poche tous les mois pour rééquilibrer la trésorerie.

Normalement, il y aurait l’option d’une réduction des charges afin de les adapter au chiffre d’affaires généré. Mais en l’occurrence, ce seront les charges du remboursement des emprunts bancaires qui priveraient la SEMOP de toute option de manoevre et qui l’amèneraient très rapidement à la faillite.

Le seul secteur capable de générer des recettes « sécurisées » serait donc le photovoltaïque, mais limité à la seule partie qui occuperait les toits des hangars.

Les deux autres secteurs, « photovoltaïque au sol » et « ombrières » sont peu ou pas crédibles.

Certes, après les 25 années de durée de la SEMOP, les infrastructures reviendraient à la commune.

Des hangars partiellement vides si d’ici-là, les exigences de loyers n’auront pas été revues très largement à la baisse, des bâtiments qu’il faut entretenir, une installation photovoltaïque avec des panneaux en fin de vie.

Serait-ce un cadeau?

On ne peut qu’être interpellé à propos de la détermination de la mairie à vouloir persister à poursuivre sur une voie aussi aventureuse, sinon désespérée.

Volonté de la part du Maire de maintenir à l’extérieur une image volontariste, souci de ne pas donner l’impression de se déjuger?

Ou bien faudrait-il se demander à qui une telle opération pourrait profiter?

  • A la commune certainement pas : obligation de payer 46 % des mensualités de remboursement de la dette, impossibilité de percevoir des dividendes pendant 25 ans.
  • A la société NGE qui aurait à réaliser les infrastructures ? Certainement oui.
  • A la société qui exploiterait la partie photovoltaïque ? Assurément.
  • A qui encore ?

Il appartiendra à Monsieur Henri Pons d’apporter à son prochain conseil municipal les réponses à ces interrogations.